Un cadre propice à la réflexion
Je suis originaire de la région parisienne, j’ai fait ma carrière à Grenoble et, désormais, j’habite à Gaudissard (Molines). Quand est arrivée l’heure de la retraite, mon épouse Marlène et moi-même nous y sommes installés par amour des montagnes, blles, calmes et reculées.
Je souffre depuis longtemps d’une psychose maniaco-dépressive (que l’on appelle aujourd’hui maladie bipolaire). Je dois en souffrir depuis ma naissance mais cela a été diagnostiqué en 1981. J’avais 32 ans. Dans cette maladie, on alterne des phases d’excitation ou de délire avec des phases de dépression.
J’ai fait des études d’ingénieur car je voulais construire des barrages. J’ai fini mes études à Grenoble, où se trouvait alors la seule école qui préparait à ce domaine-là et, par un concours de circonstances, je me suis retrouvé à travailler au Centre d’études nucléaires de Grenoble du Commissariat à l’énergie atomique (CENG – maintenant appellé CEA-Grenoble). Je planchais sur la thermohydraulique (l’analyse des écoulements de refroidissement) des centrales nucléaires. En effet, une compréhension fine de ces écoulements venait en support aux équipes responsables des études de projet et de sûreté.
Tout à la fin des années 1990, ou au début des années 2000 (je ne me souviens pas exactement), dans le cadre d’un suivi thérapeutique, j’ai été amené à télétravailler deux jours par semaine. Les trois autres jours de la semaine, je mettais en œuvre au centre de Grenoble les idées qui avaient germé dans ma propriété de Belmont, qui constituait un cadre très agréable et propice à la réflexion. Je m’étais installé dans la chambre d’amis pour être bien isolé et pouvoir me concentrer.
Ça ne se faisait pas du tout à l’époque ! Cela avait été discuté entre la direction du CENG et le médecin du travail afin de limiter des trajets en voiture qui pouvaient être dangereux dans certaines phases de ma maladie chronique. Mais il fallait aussi que je me mette un cadre strict lorsque je travaillais à la maison pour ne pas y passer trop temps, une sorte de droit à la déconnexion avant l’heure[1].
Cela marcha bien environ deux ans pour une première étude : mes calculs nécessitant une grande partie du plus gros ordinateur, « Datura », du CEA situé à Saclay dans la banlieue parisienne avançaient bien ; je pouvais en rapatrier les résultats, très volumineux, grâce à l’une des toutes premières fibres optiques qui reliaient ce centre de calcul parisien au centre de calcul du CENG et travailler dessus sur « Jungfrau », la station de travail graphique de mon bureau qui était ce que l’on faisait de mieux à l’époque ; il y avait alors assez de matière pour y réfléchir en télétravail. Par la suite la disponibilité du supercalculateur du CEA Saclay pour mes calculs devint très faible et ne généra pas suffisamment de matière pour alimenter mon télétravail de réflexion. Les moyens informatiques de l’époque ne permirent pas de poursuivre un travail organisé de cette manière et je n’eu pas l’occasion de reprendre ce mode de télétravail qui aurait été extrêmement productif avec les moyens actuels, tant par les puissances de calcul (un PC classique actuel est beaucoup plus rapide que le fameux supercalculateur « datura » auquel j’accédais par le réseau CEA et permet des traitements graphiques beaucoup plus simples et parlants que ceux dont je disposais avec « Jungfrau ») que par les possibilités de transferts de données volumineuses entre différents postes de travail (à l’époque seule un ADSL de base était la règle et les liaisons par fibre optique étaient réservées à un usage professionnel tout à fait exceptionnel et évidement je n’avais jamais entendu parler de transmission par satellite). Mis en invalidité à la fin de cette expérience de télétravail j’ai eu la chance de profiter rapidement du Queyras où Marlène et moi-même nous installâmes définitivement au printemps 2008 pour une retraite anticipée.
[1] Le droit à la déconnexion a été inscrit dans le code du travail en 2017, après le vote de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
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