« Il faut faire un maximum de choses tant qu’on peut »

Claire Malbos en randonnée vers le lac Malrif, en 2024, grâce au fauteuil uni roue tout terrain conduit par des bénévoles.

Claire Malbos habite à Ceillac une partie de l’année et l’autre dans la Sarthe. Malgré son handicap physique, elle y pratique la randonnée en autonomie avec des fauteuils adaptés au sein d’une structure qui rassemble valides et non valides*. Dans le Queyras, elle pratique aussi la joëlette.

Comment avez-vous découvert le Queyras ?

J’y viens depuis toute petite. Ma mère avait connu le Queyras dans les années 1950 et on y louait un appartement l’hiver et on venait en camping l’été. Maintenant, j’ai un appartement à Ceillac où je passe trois mois et demi par an. C’est plus qu’un lieu de vacances, c’est mon deuxième lieu de vie !  Je n’ai pas l’impression d’y venir en touriste…

Depuis quand pratiquez-vous la joëlette ?

Je connaissais depuis longtemps mais je n’avais jamais essayé avant qu’un couple d’amis de Guillestre, les Germain, ne me propose de participer à une sortie à Clapeyto (NDLR : commune d’Arvieux), organisée avec l’ACSSQ. Je suis contente d’aller dans des endroits où je ne pourrais pas aller par moi-même, même s’il me manque un peu le côté physique que j’ai avec mon fauteuil manuel. Mais chaque proposition a ses avantages ! Avant, j’étais randonneuse bipède et je me suis beaucoup baladée dans le Queyras. La joëlette me permet de découvrir de nouveaux lieux ou de revoir des endroits où j’étais déjà passée. Comme ça, quand les gens me racontent leur randonnée, j’ai des images, je peux la faire un peu dans ma tête. Et puis il y a une super ambiance, j’apprécie beaucoup. Même si l’on est handicapé, il faut bien se dire qu’il y a des choses dont on peut profiter et ce n’est pas pour ça qu’on ne peut pas aller se balader. Je suis allée en Italie, au pèlerinage de Sainte-Anne à Ceillac, etc. Je suis heureuse de retrouver la montagne. Tout ce que je peux faire aujourd’hui, je le fais. Pour le reste, on verra demain.

Selon vous, la joëlette est-elle accessible à tout le monde ?

Elle n’est pas forcément adaptée lorsque l’on souffre d’un handicap très important. Il y a certains passages avec les cailloux où l’on est assez brinqueballé et il faut être tonique et bien se tenir, voire contrebalancer à certains endroits…

Pouvez-vous nous parler de votre handicap moteur ?

Je souffre d’une dystonie, qui est un nom un peu fourre-tout. On ne sait pas exactement ce que j’ai. Tout fonctionne dans mon corps mais parfois les commandes déraillent et on ne sait pas pourquoi. Surtout les jambes et parfois les mains. Les premières traces sont apparues en 1994. J’ai été mal marchante pendant un moment et je suis en fauteuil depuis juin 2014. Cela m’a permis de me déplacer à nouveau. Je m’entretiens et j’arrive à juguler la maladie en faisant beaucoup d’activités, de la natation, des travaux manuels, etc. Il faut faire un maximum de choses tant qu’on peut. Beaucoup de gens, qu’ils soient handicapés ou non, n’ont pas conscience de ça… Et puis on a toujours plusieurs choix ! Aujourd’hui, je ne peux plus pratiquer l’escalade par exemple, mais je fais autre chose. Il faut profiter des plaisirs de la vie autrement. Si on regarde en arrière et que l’on regrette de ne plus pouvoir faire ci ou ça, la vie est triste. Alors si j’ai la possibilité d’essayer de nouvelles activités, je le fais. Je suis avide de découvertes, comme lors de l’Agora du sport organisée à Aiguilles l’été dernier.

Quels sont vos autres hobbys ?

Je fais beaucoup de natation. Une fois dans l’eau, on oublie le fauteuil et ça fait plaisir d’avoir cette liberté. Je nage avec un groupe de valides et je fais même de la compétition avec elles. Depuis mars 2025, je championne de France dans ma catégorie d’âge pour le 100 mètres quatre nages et vice-championne de France de brasse. J’ai seulement besoin que l’on m’aide à monter sur le plot pour plonger. Ma conception du handicap n’est pas de faire des choses qu’avec des personnes handicapées, au contraire. Cela permet aussi de sensibiliser et de faire comprendre nos difficultés car les personnes valides ne peuvent pas forcément en avoir conscience d’elles-mêmes.

Par ailleurs, beaucoup de personnes se mettent des freins toutes seules en se disant que comme elles sont handicapées, elles ne peuvent plus rien faire mais ce n’est pas vrai. Il y a certains caps difficiles à passer lorsque l’on perd en autonomie, c’est pareil avec l’âge, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut rester dans sa chambre. Il faut leur expliquer qu’elles se privent de quelque chose et que c’est dommage. Car même s’il faut parfois adapter, certains itinéraires de randonnée par exemple, grâce à la joëlette et aux fauteuils adaptés, tout le monde à la possibilité de profiter de la nature ou de la montagne.

Propos recueillis par Cécile Descampiaux

* Claire Malbos a porté la flamme olympique à Vichy en 2024, au titre de l’action innovante menée avec le Comité départemental de randonnée pédestre de la Sarthe qui a édité le premier topoguide départemental destiné aux familles et aux personnes à mobilité réduites.


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